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Pourquoi une crise irano-saoudienne ne remonte-elle pas les prix du pétrole ?

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On a coutume de dire que les tensions géopolitiques ont des effets haussiers sur les cours du pétrole. L’escalade verbale entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, deux des plus grands producteurs de la planète, est loin d’avoir eu l’effet tant attendu par les entreprises du secteur. Tâchons de comprendre pourquoi.

Le roi saoudien Salmane, plus dur que son prédécesseur vis-à-vis de l'Iran, mais peut être moins visionnaire ?
Le roi saoudien Salmane, plus dur que son prédécesseur vis-à-vis de l’Iran, mais peut être moins visionnaire ?

Arabie Saoudite vs Iran, et plus généralement Sunnites vs Chiites. Voilà l’affrontement qui, s’il devenait manifeste, engendrerait probablement la plus grande crise au Moyen-Orient de ces dernières décennies. Pour l’instant, après l’exécution du chef chiite Al-Nimr en Arabie Saoudite, l’affrontement demeure verbal, chaque clan allant toujours plus loin dans les intimidations et menaces. Or, cet affrontement affecte le premier producteur d’hydrocarbures de la région et une puissance qui, après un embargo durable, est en train de redémarrer ses productions. Autrement dit, un conflit parfait pour générer une hausse des cours du brut.

Et pourtant rien de cela ne se produit. Pire encore, la semaine dernière, les cours pétroliers ont atteint un minimum jamais vu depuis 2004, à 32$ le baril de Brent. Un tel cours rend absolument impossible toute profitabilité pour les futurs champs iraniens, et affecte profondément les champs pétroliers de par le globe, y compris saoudiens. Malgré cette situation difficilement supportable pour tous les pays producteurs, un tel conflit rend encore plus impossible un accord de l’OPEP (dont Arabie Saoudite et Iran sont membres) sur des réductions de production, accord plus que nécessaire pour mettre fin à la chute inexorable des cours.

Géopolitique moyen-orientale < Finance asiatique

La situation actuelle est une preuve manifeste que la géopolitique ne peut rien face aux méandres économiques et financiers. Car la raison principale de la poursuite de la chute des cours ne se trouve pas dans le Golfe, mais en Asie. Les nouveaux remous financiers chinois, qui deviennent de plus en plus fréquents et donc inquiétants, continuent à prouver que le grand consommateur chinois est en crise. Or, tous les pays producteurs font de l’Asie, et notamment de la Chine, le principal marché où écouler leurs nouvelles productions. La résolution de la crise pétrolière actuelle ne se fera donc pas uniquement du côté de l’offre : elle se fera lorsque les moteurs de l’économie mondiale redémarreront, s’ils devaient redémarrer un jour. Pour le moment, la surabondance de l’offre a raison de tous les risques géopolitiques, fussent-ils aussi majeurs qu’un conflit larvé entre Sunnites et Chiites.

Ainsi, tant que le conflit n’affecte pas directement les forces productives de la région, le cours du brut restera à des valeurs historiquement basses. Or, même s’il y a de bonnes probabilités qu’un conflit direct ne prenne pas forme, l’existence de conflits indirects entre les deux puissances (Syrie, Yémen), ainsi que la présence de partisans de la ligne dure des deux côtés rendent possible la poursuite de l’escalade entre les deux pays. La possibilité d’un sabotage sur les installations à l’est de l’Arabie Saoudite, majoritairement chiite, n’est pas à exclure, tout comme un blocage du détroit d’Ormuz, point nodal de la géoéconomie pétrolière. A trop vouloir user de l’arme pétrolière contre son ennemi iranien, l’Arabie Saoudite contribue à complexifier les relations au Moyen-Orient et un tel comportement pourrait se retourner contre elle. L’introduction en bourse possible d’Aramco, la grande compagnie pétrolière saoudienne, montre bien que Riyad n’a pas autant de filets de sécurité qu’elle le prétend.

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